Toutes les familles ont leurs traditions. Dans la mienne, c’est le pisco sour. Aucune fête, aucun anniversaire, aucun enterrement ne peut être réussi sans pisco sour. Alors que les familles de mes amis à Paris buvaient du Bordeaux, nous buvions ce « truc étrange ». Le matin de tout événement, mon père commençait par aller acheter une bouteille de pisco neuve – ce qui signifiait régaler de ses exploits les vendeuses de chez Hediard, l’un des seuls endroits qui en vendait à Paris. Il allait ensuite chercher ses citrons verts. Sortait le vieux shaker du placard. Et se mettait au travail. Il coupait les citrons en fines lunes avec un couteau très dangereux, mêlait la très précise dose de pisco et le blanc d’œuf battu dans le shaker, y déversait ensuite des barils de sucre, amenant la tension à son maximum au moment de secouer. Pour un invité étranger, l’effet était saisissant. L’illustration parfaite de Teller préparant sa bombe H. Quand tout était prêt, (et que la cuisine avait été bien saccagée), il émergeait dans le salon et versait le pisco à égale quantité dans des petits verres spécialement réservés à cet effet. Suivait un silence. L’ambiance pouvait chuter sous zéro si le pisco était raté. Sinon, on passait une de ces soirées drôles, bizarres, tendres, hystériques, et il me fallait quatre Advil pour faire passer mon mal de tête le lendemain.
Pour une personne :
10 cl de pisco,
3cl de jus de citrons verts,
1cl de sirop de sucre (ou sucre à volonté),
I blanc d’œufs,
Quelques gouttes d’angoustura bitters.
Verser dans un shaker et bien secouer (Recette familiale)