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Il y a tellement de façons différentes de voir les gens, les lieux, tout ce qui fait notre vie. Et il suffit de si peu pour que tout ce qu’on croit, ou voit, soit remis en cause. Une lumière qui change, quelqu’un qui dit quelque chose, et soudain tout aparaît sous un angle totalement différent. Prenez le Machu Picchu par exemple. L‘un des endroits les plus touristiques au monde, l’un des plus célèbres aussi. En travaillant pour National Géographic, j’ai entendu mille fois l’histoire d’Hiram Bingham et comment il a découvert les lieux en 1911 après une marche de folie dans la jungle. Je pensais savoir ce que j’allais trouver, j’avais vu des photos, lu des livres comme tout le monde. Eh bien…
Notre guide péruvien était joyeux, très bronzé, calme… au début en tout cas. Je l’avais choisi par ce qu’il parlait ma langue, et que me retrouver avec des français trop cartésiens et sérieux ne me disait rien. Avec des américains trop exaltés non plus. Il allait sûrement faire quelques blagues, nous apprendre deux ou trois choses… Il allait surtout résumer cinq siècles d’histoires en vingt minutes. Ah ! Très vite, il fut clair que les choses n’allaient pas du tout se passer comme ça. Parce que le Pérou avait des choses – tout, en fait, – à nous apprendre. D’abord, dit le guide, Hiram Bingham n’avait pas « découvert » le site, et son livre sur ses exploits était à prendre « avec la plus grande prudence »… Il n’allait pas jusqu’à le traiter d’imposteur, mais nous n’étions qu’en début de journée… D’ailleurs, les péruviens avaient tout fait avant Hiram et les découvertes de l’extérieur étaient très « relatives ». Son peuple n’avait pas eu besoin des étrangers pour élaborer des systèmes d’irrigations dignes d’un système actuel, et l’organisation du site pouvait rivaliser avec des structures que l‘on trouvait des nos jours dans des villes comme, disons, New York. Quant à ce que les grattes-papiers pouvaient écrire encore aujourd’hui… Il nous laissait le soin de penser ce que nous voulions à la lumière de ses commentaires avisés. Tout reposait sur ses dires, qui en résumé, vengeaient l’humiliation de son peuple en rétablissant leur action véritable au cœur de l’un des plus grands mystères que notre terre ait engendré.
Résultat? Un moment unique. De ceux qui marquent un voyage. Pour une fois, tout n’était pas que gloire et beauté, et on ne nous servait pas l’intégrale de l’Encyclopédie Universalis. Il y avait de la vie, de la fureur, de l’humanité entre les ruines, un point de vue, un avis, – ce qui chez les guides est rarissime. Bref, je vis soudain le site autrement, les paysages aussi. Remplis de coins sombres et intimes, de particules d’orgueil et de colères justifiées. Les deux côtés de la médaille, en fait. A la fin de la visite, mon mari français qui avait tout écouté en silence leva la main. Le guide demanda « Una pregunta ? « Oui –dit mon mari, ironique à souhait, vous pouvez tout répéter en français depuis le début. Je n’ai rien compris !». C’est le seul moment où le guide n’eut pas de réponse.
Peru, Machu Picchu – The guide who had all the answers. Well, almost!
There a so many different ways to see people, places, everything that is part of our lives. And it takes so little for all our beliefs or what we see to be shaken. A light that changes, someone saying something and suddenly it all seems different. Take the Machu Picchu for exemple. One of the most touristic place in the world, also one of the most famous. While working for the National Geographic, I heard over and over again the story of Hiram Bingham and how he discovered it in 1911 after a crazy journey on foot through the jungle. I thought I knew what I was going to find, I had seen pictures, read books like everybody else. Well…
Our Peruvian guide was joyful, very tanned, quiet… At least at first. I chose him because he spoke my language, and that ending up with cartesian and serious French people didn’t sound appealing, or with exhuberant Americans either. He was probably going to make a couple of jokes, teach us two or three things… Mostly, he was going to summarize five centuries of history in 20 minutes. Ha! Very quickly, it became clear it wasn’t going to be like that at all. Because Peru had many things – in fact everything – to teach us.
The guide started by saying: « First, Hiram Bingham didn’t ‘discover’ the site, and his book on his exploits has to be taken with the greatest caution ». He wasn’t referring to him as an imposter, but it was early yet… As a matter of fact, the Peruvians had done it all before Hiram and the discoveries made by foreigners were very… « relative ». His people didn’t need strangers to elaborate irrigation systems as efficient as the modern ones, and the organization of the Machu Picchu could compete with structures that could be found nowadays in big cities such as, let’s say, New York. Concerning what anyone could still have to write about this mythical place today… He would let us make our own minds up in the light of his wise comments. Everything rested on his account, which, to sum it up, avenged the humiliation of his people by re-establishing their true achievement to the heart of one of the greatest mysteries on Earth.
The result? A unique moment. One of those that mark a trip. For once, it wasn’t all glory and beauty. We didn’t hear the whole Universalis Encyclopedia. There was life, fury, humanity between the ruins, a point of view, an opinion – which is very seldom seens in guides. I suddenly perceived this place differently, the landscapes too. Filled with dark and intimate corners, particules of pride and justified anger. Both sides of the medal actually.
At the end of the tour, my French husband – who had listened in silence to it all- raised his hand. The guide asked « Una pregunta ? ». My husband answered with gentle irony : « Yes, could you please repeat everything in French from the start, I didn’t understand a word! » It is the only time the guide was lost for words.